FĂ©licitations au MusĂ©e d’Orsay ! Dans un coup de “gĂ©nie” commercial, le prestigieux musĂ©e parisien a enfin rĂ©vĂ©lĂ© sa vĂ©ritable vocation en lançant une Ă©dition spĂ©ciale du Monopoly. Qui aurait pu imaginer meilleur hommage aux Ĺ“uvres de Van Gogh, Monet et Degas que de les transformer en propriĂ©tĂ©s nĂ©gociables sur un plateau de jeu ? Après tout, qu’est-ce que l’art sinon une excellente opportunitĂ© d’investissement ?
La Contradiction Fondamentale (Ou Serait-ce une Cohérence Capitaliste ?)
Le MusĂ©e d’Orsay, thĂ©oriquement une institution culturelle publique ayant pour mission de dĂ©mocratiser l’accès Ă l’art, invite dĂ©sormais les enfants dès six ans Ă “devenir le meilleur conservateur” et Ă “acheter des Ĺ“uvres afin d’enrichir la collection”. Quelle belle leçon sur la valeur intrinsèque de l’art ! Pourquoi contempler l’angoisse existentielle dans un autoportrait de Van Gogh quand on peut le possĂ©der et faire payer un loyer aux autres joueurs ?
Il est rĂ©confortant de savoir que, dans une sociĂ©tĂ© oĂą tout est dĂ©jĂ marchandise, mĂŞme les derniers refuges de contemplation esthĂ©tique finissent par se rendre Ă l’inĂ©vitabilitĂ© du marchĂ©. Le musĂ©e comme espace de rĂ©flexion ? Quelle idĂ©e dĂ©modĂ©e ! Le vĂ©ritable musĂ©e du XXIe siècle est, Ă©videmment, une entreprise commerciale avec des tableaux.
La Marchandisation du Patrimoine Culturel (Ou Comment Transformer Picasso en Propriété de la Banque)
“SurenchĂ©rissez lors des enchères, nĂ©gociez avec les autres conservateurs”, annonce fièrement le matĂ©riel promotionnel. Quelle merveilleuse simplification du travail curatorial ! Apparemment, des dĂ©cennies de formation en histoire de l’art, thĂ©orie esthĂ©tique et conservation peuvent ĂŞtre parfaitement rĂ©sumĂ©es Ă qui fait l’enchère la plus Ă©levĂ©e. Darwin serait fier d’une telle sĂ©lection naturelle appliquĂ©e au monde des musĂ©es.
La transformation des “maisons” en “expositions” et des “hĂ´tels” en “expositions mondiales” est particulièrement brillante. Enfin quelqu’un admet que l’objectif principal d’une exposition n’est pas de crĂ©er un dialogue culturel ou une expĂ©rience esthĂ©tique, mais plutĂ´t “d’attirer un maximum de visiteurs” – comme si le succès de la Joconde pouvait ĂŞtre mesurĂ© par la file d’attente Ă l’entrĂ©e ou par les ventes Ă la boutique de souvenirs.
La Formation d’un Regard MarchandisĂ© (Ou Comment Apprendre aux Enfants Ă Valoriser l’Art par son Prix)
RecommandĂ© pour les enfants Ă partir de six ans ! Pourquoi attendre qu’ils grandissent pour corrompre leur perception artistique ? Il vaut mieux commencer tĂ´t Ă leur enseigner que la vraie valeur de “L’Ours blanc de François Pompon” ne rĂ©side pas dans sa forme sculpturale ou sa signification culturelle, mais dans la quantitĂ© de billets de Monopoly qu’il faut dĂ©bourser pour l’acquĂ©rir.
Imaginez la scène Ă©difiante : de petits futurs spĂ©culateurs d’art discutant avec animation s’ils doivent investir dans l’Impressionnisme ou garder de l’argent pour une Ă©ventuelle acquisition du Post-Impressionnisme, en fonction du retour sur investissement. Monet ou Manet ? La question n’est plus esthĂ©tique, mais financière. Lequel rapporte le plus ?
La Logique Néolibérale dans les Espaces Culturels (Ou Comment Transformer les Visiteurs en Consommateurs)
Ce jeu n’est que la cerise sur le gâteau dans le grand buffet de la marchandisation culturelle. Les musĂ©es du monde entier ont dĂ©jĂ compris que leur vĂ©ritable mission est de vendre des billets d’entrĂ©e, des t-shirts et maintenant des jeux de sociĂ©tĂ©. L’art ? Ah oui, ces choses sur les murs qui servent de toile de fond pour les selfies et, maintenant, de propriĂ©tĂ©s dans le Monopoly.
La prochaine Ă©tape logique serait, naturellement, d’installer des machines Ă sous dans les galeries ou peut-ĂŞtre un casino thĂ©matique : “Pariez sur l’Impressionnisme ! Doublez vos jetons avec Degas !” Après tout, pourquoi limiter l’expĂ©rience mercantile Ă un simple jeu de plateau quand il existe tant d’autres façons crĂ©atives de monĂ©tiser le patrimoine culturel ?
Pour une Relation Non-Marchande avec l’Art (Si une Telle Utopie Est Encore Imaginable)
Serait-il trop rĂ©volutionnaire de suggĂ©rer que les musĂ©es pourraient ĂŞtre des espaces oĂą l’art ne serait pas rĂ©duit Ă sa valeur marchande ? Quelle audace de penser que les institutions culturelles pourraient rĂ©sister Ă la tentation de transformer chaque aspect de l’expĂ©rience artistique en une opportunitĂ© commerciale !
Peut-ĂŞtre que dans un univers parallèle, les musĂ©es se consacrent encore Ă prĂ©server et Ă partager le patrimoine culturel de l’humanitĂ© de manière Ă stimuler la rĂ©flexion, l’empathie et la comprĂ©hension historique. Dans cet univers, cependant, nous avons le Monopoly du MusĂ©e d’Orsay – oĂą vous pouvez “vous montrer le plus astucieux pour gagner la partie”, comme si l’apprĂ©ciation artistique Ă©tait une compĂ©tition pour dĂ©terminer qui peut accumuler le plus.
Le vĂ©ritable “jeu” devrait porter sur l’engagement critique avec l’art, mais qui s’en soucie quand il y a de l’argent du Monopoly en jeu ? Pourquoi rĂ©flĂ©chir Ă la condition humaine Ă travers les Ĺ“uvres des grands maĂ®tres quand vous pouvez simplement les possĂ©der – mĂŞme si ce n’est que sur un plateau de jeu ?
Dans un monde idĂ©al, le MusĂ©e d’Orsay serait en train d’ironiser sur le marchĂ© de l’art avec ce jeu. En rĂ©alitĂ©, le musĂ©e semble avoir sincèrement adoptĂ© la philosophie du Monopoly : Ă la fin, tout se rĂ©sume Ă qui a le plus d’argent. FĂ©licitations pour la cohĂ©rence ! Et que Van Gogh, mort dans la pauvretĂ© et n’ayant vendu qu’une seule peinture de son vivant, repose en paix pendant que son autoportrait devient une case sur un plateau de jeu.